Après l’euro et l’UE, la réindustrialisation et la fin au chômage de masse

La multiplication des crises de l’euro et de l’UE peut faire présager une issue inéluctable. Une Explosion de la bulle monétaire, un effondrement de la monnaie unique, la crise migratoire, un Brexit ou un Grexit pourraient sonner le glas de l’Union Européenne. Mais dans une France désormais affranchie de la contrainte des traités européens, peut-être pourrions-nous enfin réindustrialiser et ainsi entreprendre l’éradication du chômage de masse.      

UNE ACCÉLÉRATION DE LA DÉSINDUSTRIALISATION DEPUIS 15 ANS    

En 2002, année de la mise en circulation de l’euro, la balance commerciale de la France présentait un solde positif de 3.5  Mds d’euros. 4 ans après l’adhésion de la Chine à l’OMC, la fin des quotas textiles marquait l’année 2005 et notre pays accusait un déficit de 24.2 Mds. Puis le solde négatif plongeait en dessous de 74 Mds en 2011 et depuis, n’a jamais été inférieur à 45 Mds d’euros. La France enregistre, depuis le passage à l’euro, un déficit commercial dont le montant équivaut à une perte de plusieurs millions d’emplois directs, indirects et induits. Aussi, l’antienne selon laquelle l’exportation de nos produits innovants et à haute valeur ajoutée, compenserait l’importation de la production délocalisée de la plupart de nos biens de consommation, apparait aujourd’hui pour le moins spécieuse.

On peut pointer la responsabilité des deux principales formations politiques dont la communication tronquée et le jeu de rôle constant donnent le change depuis quarante années. Le verrouillage de la démocratie, élection après élection, assure la perpétuelle réélection de personnalités politiques autour d’une alternance peu avérée et d’un même dogme du libre-échange.

La désindustrialisation massive n’est pas une fatalité. Bien qu’une majorité de français n’aient pas souhaité, lors du referendum de 2005, que la France abandonne davantage de souveraineté à l’UE, le Parlement français a cependant ratifié le Pacte budgétaire Européen (TSCG) en octobre 2012. En dérèglementant toujours plus la circulation des personnes, biens et capitaux, les traités mondiaux et européens ont institué dumpings et délocalisations.  

Les fermetures d’usines s’accélèrent et plus de quatre mille sites ont disparu au cours des trois derniers quinquennats, entrainant dans leur chute, des pans industriels entiers et provoquant la casse de centaines de milliers d’emplois. Bon nombre de fleurons industriels dont le développement a souvent été facilité par de l’argent public, ont été bradés, avec la complaisance des gouvernements, à des fonds d’investissement et groupes étrangers qui souvent, se sont accaparés savoir-faire, marques et brevets avant d’abandonner leurs proies exsangues. Pourtant, la réussite de chacune de ces entreprises industrielles avait nécessité des décennies ou parfois plus d’un siècle de ténacité de centaines, de milliers ou de dizaines de milliers de salariés souvent fiers de leur travail, dans un monde où, a l’opposé de l’univers politique, la compétence et les résultats, conditionnent les carrières. Certes, chaque année de nouveaux projets industriels voient le jour mais les effectifs sont généralement peu nombreux. Bien que l’État participe couramment au financement de leurs dépenses de R&D, la production, même robotisée, est fréquemment programmée dans les pays à plus bas coûts.

40 % DE CHOMAGE DANS LE PRIVÉ      

La France est maintenant, parmi les pays d’Europe, celui qui s’est le plus désindustrialisé. En 15 ans, la population française a crû de 5 millions de personnes mais le chiffre d’un peu plus de 15 millions d’emplois dans le secteur marchand n’a guère progressé. Selon les chiffres de la DARES, le nombre de demandeurs d’emploi, toutes catégories et DOM-TOM inclus atteint 6.48 millions en mars 2016. En décembre 2012, une enquête du quotidien Le Parisien/Aujourd’hui, "Le chiffre noir des chômeurs invisibles", dévoilait déjà un chiffre de 9 211 800 personnes touchées par le chômage. Ainsi, parmi une population active de 28.6 millions de personnes en 2013, comptant 5.5 millions d’individus travaillant dans le secteur public mais dont 900 000 sont non titulaires, la probabilité moyenne pour les 24 millions de personnes en emploi ou non et contractuels du public, d’être à des degrés divers, impactés par le chômage, atteignait 38 % et dépasserait maintenant 40 %.

 COMPÉTITIVITÉ, QUADRATURE DU CERCLE ?

L’équilibre financier des régimes de protection sociale dépend du taux d’emploi et des cotisations. Mais la désindustrialisation et le départ à la retraite de générations de travailleurs peu souvent remplacés dans le secteur privé, font peser le financement de notre modèle social sur un nombre de cotisants de plus en plus restreint.

Le ratio cotisants/retraités qui atteignait 4.4 au début des années soixante, était, selon la Caisse Nationale d’assurance Vieillesse inférieur à 1.3 en 2013. Le régime général comptait 17,72 millions actifs dont 2.43 millions de travailleurs précaires pour 13,5 millions retraités. Il est à craindre que l’afflux, selon l’INSEE, de 8 millions de baby-boomers vers la retraite, depuis 2010 et jusqu'à 2020, déstabilise un peu plus les comptes sociaux car souvent leurs anciens postes disparaissent. Aussi, l’effet mécanique que François Hollande escomptait lorsqu’il a promis l’inversion de la courbe du chômage, ne se produit pas.

La Sécurité Sociale (branches maladie, vieillesse, familles, accidents du travail) déplore un déficit moyen de 10 milliards d’euros par an et cumule une dette de 230 Mds. L’assurance chômage UNEDIC enregistrait l’an dernier, un budget en déséquilibre de 4.4 Mds et les régimes de retraite complémentaire ARRCO-ARGIC accusaient en 2015, un déficit supérieur à 3 Mds qui pourrait atteindre entre 8.4 et 11.2 Mds d’euros en 2020. Par ailleurs, le coût des retraites de la fonction publique, financé aux trois-quarts par l’impôt, bien que ne représentant que 15 % des retraites servies aux français, s’est élevé à 75 Mds en 2015. L’Etat devra encore creuser la dette pour honorer son engagement de versement des pensions de fonctionnaires qui s’élève à 1 300 Mds soit l’équivalent des 2/3 de la dette publique de 2110 Mds.  

Alors, afin de corriger les déficits de l’État et des régimes de protection sociale, les impôts et cotisations des employeurs et salariés augmentent. Les entreprises sont de moins en moins compétitives, les salariés ont moins de pouvoir d’achat, l’activité est de plus en plus délocalisée etc... Aussi, nous faudra-t-il, afin de nous extraire de ce cercle vicieux, donner le jour, en une génération, à plusieurs millions d’emplois cotisants supplémentaires. Mais seule une relance massive de l’industrie manufacturière des biens de consommation nous permettrait de l’envisager.

A supposer qu’un gouvernement ait, au delà du discours, la volonté de réindustrialiser, il ne lui serait guère aisé de convaincre les 27 autres pays membres, d’accepter une renégociation des traités qui irait à l’encontre de leurs intérêts.  Aussi nous faudra-il certainement attendre la faillite de plus en plus vraisemblable de l’euro puis de l’Union Européenne ou décider notre sortie unilatérale, qui subséquemment, entrainerait la fin de la monnaie unique et de l’UE.

JUSQU’A 50 % DE BAISSE DES COTISATIONS SALARIALES ET PATRONALES

En 2014, selon les données de l’INSEE, la France ne comptait dans le secteur privé, que 15 298 000 salariés en CDI parmi une population en âge de travailler de 44 millions de personnes. Si l’on parvenait à faire reposer le financement de la protection sociale sur 19 voire 20 millions de cotisants non précaires à temps plein et 4 millions d’indépendants au lieu de 3 aujourd’hui, soit un apport de cotisations annuelles et contributions sociales supplémentaires de 130 à 150 Mds, et à affecter de nouvelles ressources financières aux régimes, une baisse significative des cotisations s’avérerait possible.

Si l’on admet que le niveau de charges patronales et salariales est aujourd’hui trop élevé et peut constituer un frein à la création d’emploi et par conséquent, à l’augmentation du nombre de cotisants qui seraient nécessaires à l’équilibre des comptes sociaux et publics, il apparait essentiel de baisser auparavant les cotisations des entreprises. Mais les diminutions de charges dispensées lors de plans ponctuels sont rarement financées et nécessitent le plus souvent des emprunts qui augmentent la dette. De plus, elles  se révèlent peu efficaces :

Fréquemment, des petites entreprises fragiles cessent leur activité quand elles n’en bénéficient plus. Les plus grandes entreprises invoquent souvent un manque de compétitivité qui ne se vérifie pas dans tous les cas si l’on tient compte des gains de productivité induits par la robotisation ou des coûts cachés de la délocalisation. La pression administrative, fiscale, syndicale, le risque de communautarisme et la crainte de voir leur image écornée lors de conflits, motivent certainement tout autant les décisions de délocalisation de production. De même, les subventions ne semblent pas toujours dissuader les dirigeants et actionnaires des entreprises sous contrôle étranger qui emploient 2 millions de personnes et représentent maintenant le quart des ETI et le tiers des grandes entreprises, de renoncer à des délocalisations souvent programmées depuis l’acquisition. Mais escomptons qu’une  baisse conséquente et durable convainque des dirigeants de relocaliser des emplois industriels.   

Dans leur livre « l’horreur fiscale » (Fayard), les journalistes économiques Irène Inchauspé (L’Opinion) et sylvie Hattemer (Challenges) mettent en évidence la nécessité d’une baisse de 50 % des charges afin de créer un choc de compétitivité qui diminuerait les risques de récession et d’augmentation du chômage. Elles préconisent la mise en place d’un impôt national de solidarité de 2.2 % annuel sur le patrimoine immobilier net d’endettement afin de dégager 200 Mds pendant 5 années. Bien que l’analyse soit pertinente et que la mesure présente l’avantage de ne pas endetter l’État, il est à craindre que les français concernés ne plébiscitent guère une taxation de 11 % de leur patrimoine immobilier.

Des personnalités politiques ont parfois mentionné la piste d’une hausse de la TVA. Mais pour démonstration, le financement d’une baisse de charges de 50 % représenterait, compte tenu d’une recette de 140 Mds en 2015, une augmentation de 28 points ! De même, la recette des impôts sur le revenu (IR) et sur les sociétés (IS), n’excède pas 100 Mds et on ne peut guère la multiplier par trois pour payer la baisse. On ne peut davantage, envisager de s’endetter de 200 milliards supplémentaires chaque année. Notre pays ne dispose actuellement que de peu de marge de manœuvre. Si l’on considère que les réductions de charges, temporaires et désordonnées, n’ont jamais permis de réduire le chômage de masse mais qu’un plan potentiellement efficace qui couterait 200 Mds par an serait impossible à financer, il faudrait nous résoudre à appliquer des baisses sectorielles et une taxe sur l’ensemble des biens importés, que nous nommerons taxe compensatrice, semble l’unique moyen de procurer les fonds nécessaires.              

Afin qu’une baisse de 50 % du montant des cotisations soit efficiente, il serait indispensable qu’elle encourage d’abord la création d’emplois dans les 150 métiers des onze principaux secteurs de l’industrie manufacturière dont artisanat de production car chaque poste créé génèrerait à terme, d’autres emplois, indirects et induits. Pour juguler la désindustrialisation qui touche la plupart des secteurs manufacturiers, la baisse devrait aussi s’appliquer aux postes de production déjà existants.

La diminution de charges s’appliquerait également au domaine agricole mais s’adresserait surtout aux fermes à taille humaine. Peut-être serait-il pertinent de faire bénéficier les entreprises qui s’installeraient dans des territoires en voie de dépeuplement, pour toute embauche effectuée en zone de revitalisation rurale (ZRR), d’une même réduction des cotisations ne se limitant pas à un an d’exonération comme actuellement ou aux entreprises employant moins de 50 personnes. L’impact sur l’emploi local serait important. Cette mesure favoriserait ainsi un désengorgement de l’habitat dans les plus grandes villes et un recul du mal-logement.

Sur la base d’un SMIC de 35 heures, un abattement de 50 % soit 6 000 €/an (ou son équivalent dans la nouvelle monnaie) sur 12 000 €/an environ de charges salariales, patronales et contributions CSG et RDS ferait économiser chaque mois à l’entreprise, un peu plus de 300 € et un salarié verrait son revenu mensuel net augmenter de 200 €. Ainsi, des emplois seraient pérennisés et des métiers parfois jugés moins attractifs, revalorisés.

Un SMIC de 35 ou 39 h qui approcherait 1350 ou 1550 € net, creuserait l’écart avec les minimas sociaux. L’abaissement de 50 % ne concernerait que les salaires inférieurs à 3 600 brut mensuel. Au-delà, des abattements de 40 et 30 % sembleraient plus appropriés. Le coût annuel du dispositif qui pourrait avoisiner 40 à 45 Mds, serait entièrement financé par la taxe compensatrice. Certes, son montant de perception diminuerait ensuite au rythme de la réindustrialisation mais le volume de cotisations sociales ou de recettes autrement perçues par les organismes ou par l’État, augmenterait. Au rythme du redressement de notre économie, Il nous faudrait aussi réorienter des aides alors devenues inutiles et une part des  nouvelles rentrées fiscales (Voir ci-après), vers d’indispensables réductions de 10 puis 20 voire 25 % en cas de plein emploi, des cotisations patronales et salariales des emplois ne bénéficiant pas de l’abattement de 50 %.

Une première baisse de 10 % du niveau de cotisations pourrait coûter 35 Mds par an mais la plupart des TPE, PME, ETI et salariés consacreraient ces sommes à d’autres dépenses qui généreraient d’autres emplois, d’autres recettes pour l’Etat etc... Par ailleurs, l’augmentation du nombre de cotisants, pourrait, bien que la durée de vie des français s’allonge, mieux garantir le niveau des pensions et maintenir un âge décent de départ à la retraite. Néanmoins, les baisses sectorielles et la création de taxes de nature à gêner le libre-échange, sont actuellement proscrites par les traités européens. Si nous passions outre, la Commission Européenne devrait alors choisir entre la modification des traités ou le risque de s’engager dans un bras de fer qui précipiterait la fin de l’UE. Il serait également indispensable que les parlementaires adhérent à un consensus autour de la reconstruction et renoncent au jeu politicien de l’obstruction ou à la saisine d’un Conseil Constitutionnel dépassé qui parfois retoque  alors même qu’il en va de l’intérêt général.   

UNE TAXE  INDOLORE  

Face aux dumpings, la taxe compensatrice contribuerait au rééquilibrage des échanges commerciaux et atténuerait la concurrence envers l’industrie manufacturière que nous tenterions de reconstruir. Afin d'éviter un afflux de produits à bas coûts en provenance d'Asie, qui transiteraient alors par les pays limitrophes, la taxe devrait être globale. Elle rapporterait 8 % d’un montant déclaré des importations de 480/500 Mds. Les régimes de protection sociale seraient ainsi abondés de 40 Mds et 8 Mds de TVA provisionneraient les caisses du Trésor Public. Mais peut-être serait-il  envisageable, si toutefois les moyens de la Douane étaient renforcés, d’augmenter de 10 ou 15 Mds, le chiffre annuel de 69 Mds de recettes douanières. En effet, au niveau mondial, 98 % des containers ne seraient pas même scannés et si l’on en croit un rapport OCDE/EUIPO le volume de contrefaçons importées en France atteindrait 12 %.

La contribution financière des importations à l’assainissement de nos comptes sociaux après la destruction de la plus grande part de notre industrie manufacturière, pourrait constituer un juste retour. L’OMC ne pourrait objectivement nier notre préjudice, la concurrence déloyale et les dumpings. La France serait à cet égard, parfaitement fondée à réclamer des amendes. Les droits de douane (DdD) français comptent parmi les plus faibles. Aussi, il serait peu probable qu’un pays comme la Chine qui a exporté l’an dernier 44 Mds d’euros de marchandises vers notre pays mais dont les droits de douane sont plus élevés, s’engage dans une surenchère. Mais dans l’hypothèse de l’instauration, par rétorsion, d’une taxe équivalente dans certains pays, des charges réduites de 50 % annihileraient l’effet négatif. De même, il est peu certain que nous devions craindre que nos concurrents économiques renoncent à l’achat de Rafales, d’Airbus ou de centrales nucléaires avant le transfert de nos technologies, que les populations les plus aisées à travers le monde, se privent d’arborer les attributs du luxe français et de voyager en France ou que des pièces indispensables à des industries étrangères soient boycottées.     

L’excèdent commercial de l’Allemagne avec notre pays atteint 36 Mds. Le recours à la main-d’œuvre sous-payée des pays de l’Est et un modèle économique adaptée à un euro fort, lui ont permis de tailler des croupières aux industries françaises, italiennes ou espagnoles tout en reprochant aux Etats, l’augmentation de leurs déficits. La fête finie, notre voisine d’outre-Rhin devrait se résigner à accepter de nouvelles règles. Les articles importés, fabriqués le plus souvent dans des pays à bas coûts, présentent une faible valeur déclarée en douane. Aussi une taxe moyenne de 8 % ne constituerait, compte tenu de marges élevées, qu’une part mineure des prix de détail, qui ne se traduirait pour les consommateurs, que par une augmentation moyenne effective ne dépassant pas 2.5 ou 3 % du montant des achats de produits importés et moindre sur leur budget total. Il nous faudrait veiller à protéger les français à faible pouvoir d’achat, avec un niveau de taxation modéré sur certaines catégories de biens. Il serait nécessaire que la taxe compensatrice n’impacte guère les matières premières indispensables à notre industrie  ou faiblement, si l’on prend l’exemple des blocs dans le secteur de l’automobile.

Un montant qui varierait de 0 à 20 % rétablirait peu à peu un équilibre mais n’aurait pas d’incidence brutale sur les prix de détail. Pour exemple, un vêtement en provenance d’Asie dont la valeur déclarée est de 5 euros à laquelle s’ajoute transport dont assurance et 6.5 % de droit de douane arrive aujourd’hui à 6 € HT. Avec une taxe compensatrice de 20 %, l’importateur acquitterait un peu plus de 7 € HT. Proche de 1 €, la taxe compensatrice ne représenterait qu’un faible pourcentage d’un prix de détail se situant entre 25 à 100 €.

Une taxation d’un montant semblable sur certains produits agricoles, associée à la diminution des cotisations sociales, pourrait réduire la distorsion de concurrence avec l’Allemagne ou d’autres pays usant de dumping social. Des remises accordées par les constructeurs automobiles contrebalanceraient certainement une taxe de 5 % mais cette dernière financerait une baisse des coûts de production des équipementiers ou constructeurs et favoriseraient donc une relocalisation de cette industrie. La compétition est âpre et les enseignes ne répercuteraient pas systématiquement la contribution. Depuis la délocalisation de leur production dans les pays à bas coûts, les enseignes et les marques ne fixent plus leurs prix en fonction de leurs coûts de fabrication devenus fréquemment dérisoires mais raisonnent en termes de pouvoir d’achat des clients de chaque pays sur leur positionnement marketing.

Mais ce modèle de libre-échange qui favorise le dérèglement climatique en déplaçant des centaines de millions de tonnes de marchandises d’un bout à l’autre de la terre, devra peu à peu être abandonné au profit d’une production plus locale. Selon un article du journal britannique  The Gardian, publié en 2009, les 15 plus gros porte-conteneurs polluent autant que la totalité du parc automobile mondial. La pollution engendrée par les 90 000 cargos qui sillonnent les mers, causerait 60 000 décès chaque année et couterait 330 Mds de dollars en frais de santé.

PRÉPARER LA RECONSTRUCTION DE NOTRE INDUSTRIE  

La France pourrait à tout moment, se trouver dos au mur. Dans une tribune publiée dans Marianne et titrée Il faut sortir de l’Euro et de l’UE avant un défaut de paiement, j’indiquais que lorsque l’on ajoute les 4 000 milliards d’euros d’engagements hors bilan (retraites des fonctionnaires, personnel des armées et agents des postes ainsi que garanties financières) au chiffre de la dette publique de 2 000 Mds, l’endettement de l’État  dépassent 6 000 Mds. Ce montant équivaut à plus de vingt années de recettes fiscales (278.9 Mds en 2015) et 300 % du PIB annuel. Aussi, à l’initiative de l’Allemagne et sous les injonctions de la troïka (BCE, CE et FMI) qui entendent nous faire respecter notre engagement de limite du déficit public, nous pourrions bientôt connaitre une curée proche de celles qu’ont subi d’autres pays. La vente d’aéroports ou d’autres biens stratégiques, la hausse de la fiscalité et des propositions de lois tendant à dérèglementer le droit du travail, semblent en indiquer les prémices. Par ailleurs, l’éventualité d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, le « non » néerlandais à l’accord d’association de l’Ukraine avec l’UE interprété comme un rejet de l’UE, la crise financière grecque non résolue et aggravée par l’afflux de migrants, la bulle financière qui menace d’exploser ou les fermetures de frontières remettent l’existence de l’UE en question.

En présence d’un risque ou de l’inéluctabilité de plus en plus évoquée d’une disparition de l’euro et d’un éclatement de l’Europe, peut-être devrions-nous déjà nous préparer à peser sur l’instauration d’une vraie politique industrielle française, jusque-là impossible à mettre en œuvre sans une violation des traités de fonctionnement de l’Union européenne. Quelques mesures économiques, aussi ambitieuses soient-elles, ne suffiraient évidemment pas. La création d’une taxe sur les importations et une baisse des charges, constituent des préalables fondamentaux mais il nous faut réfléchir à la reconstruction de l’industrie manufacturière après la fin de l’UE. Un nécessaire programme industriel pourrait s’articuler autour de plusieurs pôles de développement de filières industrielles (PDFI). 

UN PROGRAMME ET UN MODÈLE ÉCONOMIQUE VISANT A RÉTABLIR DES ÉQUILIBRES

Le financement de l’industrie nécessite généralement l’apport financier d’actionnaires, qui, en retour, exigent le plus souvent un rendement ne pouvant être obtenu qu’en délocalisant la production. La complémentarité des grandes entreprises potentiellement créatrices d’emplois avec la collectivité qui leur offre infrastructures et subventions, est de moins en moins effective, d’autant que nombre d’entre-elles pratiquent l’optimisation ou l’évasion fiscale pour échapper à un impôt français sur les sociétés (IS) dont le taux facial de 38 % est le plus élevé d’Europe. Pourtant en 2015, sa recette, certes plombée par les crédits d’impôts du CICE, atteignait au cours du premier trimestre, à peine 6 milliards. Puisque notre pays ne parvient pas à endiguer la fuite des sièges sociaux et capitaux et que les taux de marge souvent faibles des plus petites entreprises ne compensent guère le manque à percevoir, il conviendrait, pour accroître cette recette, d’abaisser notre IS à un niveau comparable à celui de l’Irlande dont le taux de 12.5 % séduit bon nombre d’entreprises et lui permet d’afficher la plus forte croissance d’Europe et une importante diminution de son chômage.

Pour réindustrialiser, il nous faudrait initier un modèle d’entreprise tendant à restaurer des équilibres. Nous devrions d’abord penser une structure qui jetterait les bases de la reconstruction de filières industrielles et fédérerait des entreprises autour du projet. Il serait tout à fait possible de produire à nouveau en France une part importante de nos biens de consommation, en développant des synergies entre les entreprises et en adaptant les modèles de gestion : intranet, mutualisation des moyens de production (modularisation et économies d’échelle pour pondérer les coûts), mais aussi des outils de logistique, de commercialisation et de distribution.

Un groupe constitué à cet effet, acteur industriel mais aussi outil de la collectivité et initiateur de pôles de développement de filières, doté d’une vision panoramique de l’industrie, pourrait œuvrer à l’implantation de nouveaux écosystèmes et favoriser la création d’entreprises souhaitant s’inscrire dans les synergies pressenties. Le programme pourrait nécessiter chaque année, un financement de 10 Mds d’euros. La structure, dont les membres seraient rompus aux ingénieries industrielles et commerciales, pallierait des insuffisances d’un ministère de l’Industrie, spectateur impuissant de notre déclin dont l’ancien et peu inspiré ministre, a eu recours au cabinet anglo-saxon McKinsey, pour définir 34 plans industriels pour la France, réduits plus tard à 10 solutions par son successeur.

Le pilotage des projets issus de plans gouvernementaux est le plus souvent confié a de grandes entreprises qui voient ainsi leurs budgets de R&D abondés en deniers de l’État mais choisissent souvent de produire hors de l’hexagone. Depuis la crise économique de 1974, chaque septennat ou quinquennat a produit un plan affichant une volonté industrielle, réelle ou supposée. Le précédent, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, baptisé « États généraux de l’Industrie », a rayé des pans entiers de l’industrie manufacturière et ainsi accéléré la désindustrialisation. Pourtant le pragmatisme devrait primer et il conviendrait de produire des biens que nous consommons.

 ENTRE CAPITALISME ET SOCIALISME FINANCIER

Le groupement ne disposerait pas de conseil d’administration protégeant une rente actionnariale. Il serait dirigé par un directeur général qui animerait un comité exécutif, principalement composé du collège de dirigeants des pôles de développement de filières, majoritairement professionnels de l’industrie. Ce type de gouvernance professionnelle, offrirait à la structure, agilité industrielle et réactivité décisionnelle. Par ailleurs, afin de ne pas s’exposer à la volatilité des marchés et à la prédation, le groupe ne s’introduirait pas en bourse. Lors de sa fondation, une participation symbolique au capital du groupe, de l’institution financière publique sous le contrôle de l’État qu’est la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), permettrait de cosigner un pacte d’actionnaires, public. Toutefois, le nombre restreint de parts qui seraient détenues par cet organisme considéré comme un acteur majeur du capital investissement, préserverait les salariés du danger de voir celui-ci ou un gouvernement, revendre un jour leur activité à un groupe étranger ou à un fonds. Parmi les obligations des parties, compte tenu d’un financement significatif du programme par le contribuable, figurerait la cession gracieuse, après quelques années, de la moitié du capital à la collectivité nationale.

LA COLLECTIVITÉ NATIONALE FAITE PERSONNE MORALE DE DROIT PUBLIC 

Il conviendrait donc d’inscrire dans la constitution, la création de cette entité distincte de l’État. En cas de dissolution de l’UE, le contenu du titre XV de la constitution, devenu caduque, pourrait être remplacé par les textes de loi encadrant le fonctionnement de la collectivité nationale.  Ainsi, celle-ci serait pourvue de la personnalité juridique et régie par le droit public. Son statut, bien que spécifique, serait à certains égards, proche de celui des collectivités territoriales et également soumis à des dispositions juridiques parfois semblables. Des citoyens de la société civile éliraient les représentants de la collectivité. La présence de celle-ci au capital du groupe, garantirait, au fil des décennies, sa propriété, la distribution aux salariés d’un juste intéressement et le réinvestissement dans le développement. A terme, la presque totalité du groupement pourrait revenir à la collectivité nationale. Les français, dont les intérêts économiques sont de moins en moins souvent protégés, se réappropriaient du pouvoir. Par ailleurs, outre ce rôle, la collectivité nationale, qui incarnerait tous les courants de pensée, pourrait, en d’autres domaines, faire émerger une alternative syndicale moins politisée, des personnalités politiques issues de la société civile, réclamer une révision de la constitution ou émettre un avis lors d’enjeux économiques vitaux pour notre pays.    

COMMUNAUTÉ DE MOYENS

Quoiqu’indépendantes, les entreprises partenaires s’engageraient à créer des emplois en France. Les porteurs de projets, souscriraient, en retour d’aides financières, un engagement limitant la perception de dividendes à une quote-part raisonnable, le versement d’une participation significative et une obligation, en cas de revente d’actions ou de parts sociales, de cession prioritaire à leurs salariés ou à l’une des sociétés impliquées dans le programme. Les membres du groupe et des sociétés liées, pourraient partager, autour de cette communauté de moyens, une même combativité et une volonté de développer de nouveaux projets industriels manufacturiers et commerciaux qui redistribueraient des fruits de la réussite aux salariés. Ce modèle, plus équitable, pourrait s’opposer à un capitalisme souvent jugé court-termiste  dont les intérêts vont trop fréquemment à l’encontre de ceux de notre collectivité.

UN  LIEN INDISPENSABLE ENTRE LES ÉCOLES D’INGÉNIEURS ET L’INDUSTRIE   

Le groupe pourrait devenir un interlocuteur privilégié des chercheurs et ingénieurs à l’issue de leur formation : Emplois, projets de recherche, partenariats et financement de start-ups ou production. La France offre un enseignement d’excellence mais se prive d’un retour sur investissement car faute de financements et de débouchés suffisants en recherche industrielle et haute-technologie, nombre de jeunes français s’exilent. Aujourd’hui, 25 000 chercheurs, ingénieurs et universitaires travaillent aux État Unis et des start-ups prometteuses sont absorbées par des fonds et sociétés américaines ou chinoises. Pourtant, cet extraordinaire capital humain pourrait assurer la bonne santé économique de notre pays.

La reconstruction d’un outil industriel permettrait d’offrir de nombreux postes qualifiés mais aussi de proposer toute une gamme de métiers et de formations à des jeunes dont 2 millions de 15 à 29 aujourd’hui sans diplôme, sans formation et sans emploi. Il serait opportun d’agir en amont en finançant la recherche et l’activité qui créera ensuite des postes au lieu de subventionner à fonds perdus des emplois sans avenir qui souvent disparaissent en même temps que les aides. En s’associant aux programmes de recherche des pôles, des écoles d’élite pourraient jouer un rôle essentiel dans le développement des filières industrielles et relever le défi de la réindustrialisation de la France.

7 PÔLES DE DÉVELOPPEMENT DE FILIÈRES INDUSTRIELLES (PDFI)

En délocalisant notre industrie nous avons aussi délocalisé notre croissance. En fabricant à nouveau en France une part importante des produits que nous consommons et en développant d’autres marchés, nous pourrions envisager la sauvegarde et la création annuelle de 100 000 emplois industriels (l’équivalent de seulement 3 emplois par jour et par département) pendant 15 à 20 ans, soit 1.5 million d’emplois souvent artisanaux et industriels dans des entreprises de toutes tailles. Auxquels pourraient s’ajouter entre 3 à 4.5 millions d’emplois indirects et induits à terme générés.

Le programme pourrait s’articuler autour d’un pôle financier et de 7 pôles de développement de filières industrielles : Filières textile-habillement et cuir, luxe. Filières du bois et meubles, habitat, électroménager. Filières loisirs, sports, jouets. Filières environnement et développement durable, énergie. Filières robotique, équipements, transports. Filières numérique, informatique, logiciels et télécommunications. Filières pharmacie, parapharmacie, cosmétologie.

La délocalisation de la production de la plupart de ces biens a été orchestrée par des groupes industriels, qui couramment, continuent à bénéficier des subsides de l’État. Pour exemple, des laboratoires pharmaceutiques bénéficient des remboursements de la Sécurité Sociale et d’aides en R&D mais licencient des milliers de chercheurs. Cependant, il serait possible, sans qu’il soit utile de nationaliser des entreprises, de réinvestir des secteurs dont l’activité a été délocalisée mais une stratégie appuyée par une vraie volonté politique, s’avérerait indispensable.

Nous identifierions dés le début du programme, parmi l’ensemble des activités présentant des potentialités certaines de commercialisation, d’abord des biens dont la plus forte valeur ajoutée serait susceptible de compenser ensuite la marge  plus faible de produits moins lucratifs car Il conviendrait d’adopter une vision globale. Le gain plus important réalisé sur des produits positionnés sur les segments haut de gamme et luxe, dont maroquinerie, vêtements ou parfums, pallierait le plus faible bénéfice obtenu sur des vêtements moyen de gamme, celui de produits robotisés, High-tech ou NTIC corrigerait la marge réduite d’autres articles à moins forte valeur ajoutée ou réclamant davantage de main d’œuvre. La pharmacie compenserait d’autres secteurs etc... Par ailleurs, nous ne nous interdirions guère de développer certaines activités à très forte valeur ajoutée relevant des services.

Un ensemble d’activités artisanales, industrielles et de services, de faible à très forte valeur ajoutée, susceptible de créer un million et demi d’emplois développant 35 à 400 K€ par an et en moyenne 75 à 120 K€, pourrait nécessiter un financement proche de 180 Mds d’euros, reparti sur 15 à 20 ans. Le différentiel annuel entre notre contribution européenne et les subventions reversées à notre pays ou la réorientation, parmi les aides inefficientes, de seulement 4 ou 5 % des dépenses pour l’emploi (DPE) et subventions accordées chaque année aux entreprises, pourrait procurer 10 Mds d’euros par an. Le programme viserait, après 2 ou 3 ans, la création annuelle de 100 000 postes industriels et artisanaux surtout dans des TPE, PME mais aussi des ETI avec un coût situé entre 30 000 et 1 million d’euros pour les plus automatisés ou hautement technologiques.  

Toutefois, des transferts de marchés, reprises et opérations d’ingénierie financière pourraient alléger considérablement le montant. Si l’on ajoute les fonds propres susceptibles d’être apportés et les remboursements, les sommes pourraient constituer 35 à 50 % du coût du programme. Certes, une part de 90 à 120 Mds d’euros resterait à la charge de l’Etat mais le projet pourrait permettre la création de 4.5 à 6 millions d’emplois directs, indirects et induits. Le coût ne représenterait alors que 15 à 27 K€ par emploi créé ou sauvegardé. Pour comparaison, le plan de relance de 34 Mds qui devait générer 400 000 emplois en 2009 et 2010, n’a créé, selon la Cour des Comptes, que 18 000 à 72 000 postes soit un coût de 472 K€ à 1 900 K€ par emploi. Il nous faudra attendre fin 2017 pour connaitre le nombre d’emplois pérennes du secteur marchand que les 58 Mds du CICE auront permis de générer.

Si l’on examine les économies que le programme permettrait de réaliser ultérieurement, le coût réel pour l’État serait inexistant. A son terme, ce dernier et les organismes pourraient très certainement économiser ou percevoir chaque année plus de 170 Mds d’euros en réduction du nombre d’allocataires, frais structurels et dépenses connexes ou plus éloignées mais aussi augmentation des ressources des régimes de protection sociale qui retrouveraient l’équilibre et nouvelles recettes fiscales directes ou indirectes qui permettraient de réduire significativement la dette publique etc...  

Les pôles de développement auraient vocation à muter en 10 puis 15 ou 20 entités de taille critique, qui ensemble, seraient capables d’absorber des chocs conjoncturels et constitueraient la colonne vertébrale d’une industrie manufacturière renforcée par les synergies et la complémentarité des entreprises partenaires, pour devenir à terme des fleurons de notre économie. Le temps d’une génération peut sembler indispensable à la reconstruction d’une industrie susceptible de réduire significativement le chômage. Cependant, une dynamique pourrait se créer et raccourcir ce délai. En effet, au fur et à mesure de la constitution d’un nouveau tissu industriel, de plus en plus d’entreprises, également encouragées par une baisse des cotisations qui restaurerait les marges de la fabrication en France, une fiscalité allégée et une meilleure fluidité du marché du travail propre aux périodes de retour vers le plein emploi, verraient le jour. La hausse de pouvoir d’achat des salariés ou indépendants financerait la demande et générerait ainsi une consommation exponentielle de produits manufacturiers et alimentaires de plus en plus locaux. L’activité produirait de plus en plus d’emplois et un cercle économique vertueux se réinstallerait. 

Francis JOURNOT   Mouvement Collectivité nationale  www.collectivite-nationale.fr  

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